Maternités....

Elle, elle passe son temps à se toucher le ventre. Elle parle de ses enfants sans cesse. Il y a des rituels. L'aîné de cinq ans, qui fait le tour des bureaux le matin pour passer dire bonjour à tout le monde, et jouer son rôle de vitrine de fonction parentale. Comme il est sage, et bien élevé, et poli. Comme c'est un enfant gentil. A midi deuxième rituel: il y a le moment de l'anectode. Pas un jour sans qu'elle raconte le dernier bon mot, comme il est curieux et intelligent. Ce qu'elle attend c'est l'exclamation, le : mais il est surement surdoué. il est parfait, je l'adore. Sinon  c'est le second, même pas deux ans: comme il est vif, comme il est tonique. Et puis il y a sa grossesse. Les petits qui s'imposent à tout l'étage. Tout le monde connait leurs dates de naissance, leurs centres d'intérêt, se sent obligé de leur faire des cadeaux.

 Les enfants la belle excuse. La maternité comme réponse à toute décision. Presque comme seul dialogue, Une arme stratégique. 

C'est loin d'être la seule femme. Jusqu'à peu elle était en revanche la seule femme  en âge de procréer. Trois petites années qui nous séparent; et un monde. Etre une mauvaise mère. Plus ou moins assumé. Etre totalement dépourvue du mode d'emploi. Du même. Ne pas savoir parler de son enfant, le valoriser sans arret, le vendre auprès de ses collègues. Des fois ils en oublient jusqu'à son existence. Ne pas raconter les petits riens qui nous appartiennent, ces choses précieuses qui fondent l'enfance, et qui n'ont rien à faire dans ce couloir au milieu des guerres de pouvoir des adultes. ne pas passer ses WE, et ses soirées  à son éveil perpétuel, une sollicitation de tous les instants. Etre heureuse de s'adresser parfois à des adultes, de le laisser pour une soirée. Ne pas parler de ses grossesses comme une référence. 

Ne pas s'étendre sur la maternité. Peut être parce qu'il existe des femmes qui veulent y échapper. No Kids. Ne pas vouloir parler, raconter. Peut être parce qu'après des années à refuser son corps, c'est arrivé tôt. Peut être parce que les sentiments n'ont jamais été si clairs , dans le blanc absolu, mais toujours mêlés de gris. Surement parce que pas finie, ou trop égoïste. Peut etre parce que cela n'est qu'une partie du tout, et pas le tout. Qu'on ne peut se résumer à ça, N'être que mère. Que peut être c'est essentiel, mais pas pour toutes. Et qu'être humain c'est aussi faire une part à l'accessoire. Et l'enfant à coté, surement moins parfait. Mais finalement, le procès ce sera à lui seul de l'intenter. Pas à elle.  Garder de l'indicible, comme une flamme... Sauver cette incandescence là.

Trois ans. un monde.