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Tendre Arsenic...
3 juin 2012

Saveurs

Le souvenir d'une toile cirée rouge et de la tartine de beurre  et de miel du goûter. Parfois elle était à la confiture de tomate verte. Les saveurs de l'enfance qui sont remontées à la gorge avec violence ce matin. 

Il y a le goût du raisin sauvage, grapillé sur une vigne qu'elle laissait se mêler aux lilas mauve et blanc. Raisin bleu noir, aux gros grains acides. Il y avait l'autre vigne, elle soigneusement entretenue. le raisin vert doux et sucré.  Il y avait ces étranges prunes jaunes, acides elles aussi. Petites. Couleur de canari. Il ya les mures, à profusion. Les ronciers dans cette immense propriété pullulent. Il ya quelques framboisiers derrière la maison, et deux pêchers, dont l'un curieusement suspendu au bord de l'abîme. Il y a enfin ces fraises des bois au pied de la maison. Et le figuier. 

Plus loin, près du château,  il ya les pieds de tomates, les pommes de terre, les haricots, les baies de sureau, et à nouveau ce prunier étonnant. Il y a aussi ces groseilles à maquereau, qui dans mon souvenir ont été dégustées en novembre, avec du fromage blanc et du sucre alors même qu'un de mes frères venait au monde. 

Il y a le nom des roses anciennes ou des imitations, qu'on visitait tous les soirs et dont on respirait les parfums lourds à force d'été. Un seul nom est resté, parce que la fleur fut bouturée et a pris dans un autre jardin: Canary Bird. 

Le souvenir de l'arrivée de l'eau courante. J'avais peut être 6 ans, ou 7 ans. La pêche des calicoba, que l'on remettait à l'eau ensuite. Et les hommes qui passaient à l'heure du thé, avec les cadavres des lièvres qu'ils avaient chassé. Pas besoin là-bas de les élever en clapier. Ils sont trop nombreux. A la tombée du jour, il suffit de se tenir au bord du vide, et de frapper dans ses mains.Et alors on les voit plusieurs mètres en dessous qui font des bonds dans tous les sens. Dans la nuit, quand on quitte le domaine on en croise  un pris dans la lumière des phares un instant, avant de disparaitre dans l'encre étoilée. Il fallait éviter de se casser une dent sur un plomb lorsque qu'on les mangeait. Et ce regard incrédule, et horrifié que nous avions quand elle les dépouillait après leur avoir fait faire leur dernier pipi...

Il ya le goût du sirop de citron bu à minuscules gorgées vers 13 ans  en regardant le rour de France pendant des après midi étouffantes. 

Il y a le goût du chocolat noir Côte d'or,  carré unique  reçu religieusement à chaque départ. Offrande renouvelée chaque semaine, et qui fondait dans la bouche, au bruit du cor de chasse. 

Les saveurs de l'enfance. Le goût du sang à force d'écorchures. Et puis courir dans les ronces plus tard, pour chercher à se faire plus mal encore. Le goût de l'ostie quand nous allions toutes les deux à la messe. Le goût de la soupe à la tomate et aux vermicelles les soirs d'Août ou de Juillet. Le gâteau moyen qui était celui des dimanches ordinaires et aussi des anniversaires. C'était son nom le gâteau moyen, celui qu'elle lui donnait. Mais il était sublime. Il y avait le gâteau aux petits beurres pour l'anniversaire de ses frères, et dont la recette est aujourd'hui pieusement conservée. Et cette buche extraordinaire: crème de marron et chocolat noir. 

Il y avait la peau du lait qui qu'elle retirait avant de verser le liquide bouillant dans mon bol, et l'odeur de du café, dans lequel j'avais le droit de tremper un morceau de sucre. 

 

Il y avait ces flots d'or, et ce paradis qui s'est renfermé avec mon enfance quelque part en 2004. Je sais que tout est là encore. Qu'il suffirait d'un coup de téléphone pour tout revoir, tout goûter à nouveau. Courir dans les champs et s'asseoir au bord de ces étangs. Mais je ne peux pas. On ne revit pas deux fois son enfance. Tout est parti avec elle. Il ne reste que la violence des souvenirs qui vient  vous étrangler la gorge parfois. Et ces larmes qui ne sont jamais tombées. et qui coulent à l'interieur, qui brulent. J'étais son enfant colère. Butée et hautaine. C'était mes années sauvages. Et elle , elle m'apaisait. Certaines heures elle manque effroyablement. 

 

 

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